Bénin -Révision constitutionnelle : Célestine ZANNOU met en garde contre « la corruption autocratique »

Dans une déclaration vibrante, la leader politique Célestine ZANNOU dénonce le projet de révision constitutionnelle visant la création d’un Sénat au Bénin. Elle y voit une manœuvre périlleuse pour la démocratie et en appelle à la conscience des anciens dirigeants du pays, sommés de ne pas cautionner « l’achèvement du délitement démocratique ».

Par Lorys HOUNON

C’est une voix singulière, longtemps respectée pour son franc-parler et son engagement républicain, qui vient de rompre le silence. Dans une adresse solennelle diffusée ce week-end, Célestine ZANNOU, figure de la scène politique béninoise, s’est exprimée avec gravité sur le projet de révision de la Constitution actuellement évoqué au sommet de l’État. Pour elle, ce texte, présenté comme une simple réforme institutionnelle, cache en réalité une tentative de refondation politique aux conséquences “sismiques” pour la démocratie béninoise.

« Par devoir, je prends la parole », lance-t-elle d’emblée, invoquant les articles 15 et 23 de la Constitution qui garantissent la liberté d’expression des citoyens.
« Je refuse de me rendre complice, par mon silence, de ce qui se trame contre le Bénin et son peuple », insiste-t-elle.

Un Sénat au cœur de la controverse

Selon les informations qu’elle relaie, le projet de révision viserait principalement à instituer un Sénat, composé notamment des anciens présidents de la République, de l’Assemblée nationale, de la Cour constitutionnelle et des anciens chefs d’état-major.
Mais pour Célestine ZANNOU, cette composition, présentée comme un hommage aux anciens dirigeants, n’est qu’un prétexte à une manœuvre politique.

Elle accuse :

« Cette nouvelle institution devenue subitement indispensable est instrumentalisée pour asseoir une nouvelle République, en exploitant la vulnérabilité de nos aînés. »

Un appel aux anciens dirigeants

L’ancienne candidate à la présidentielle exhorte les figures historiques du pays à ne pas céder à la flatterie du pouvoir :

« Ce n’est pas au soir de leur vie qu’ils doivent devenir complices de la dictature. Leur silence serait coupable. »
Dans une envolée lyrique, elle compare la situation à une lutte mythologique :
« Contre Zeus, demeurez Prométhée, symbole de savoir et de liberté. »

Un cri d’alerte politique et moral

Au-delà de la question institutionnelle, le message de ZANNOU prend la forme d’un cri d’alarme contre la dérive autocratique et la corruption morale du pouvoir.
Elle évoque « une corruption autocratique méthodiquement manipulatrice », destinée à « liquider l’héritage républicain » bâti depuis la Conférence nationale de 1990.

Dans un ton empreint d’émotion et de gravité, elle en appelle à la vigilance citoyenne et à la responsabilité des élites politiques :

« Le peuple veut vous entendre ! Votre parole manque… votre parole tarde… »

Intégralité de sa déclaration

« Mes chers compatriotes, par devoir je prends la parole et la Constitution en ses articles 15 et 23 m’en donnent le droit. Par devoir je prends la parole car mon parcours et mon engagement pour la cause nationale m’en donnent le droit. Je prends la parole afin d’éviter de me rendre par mon silence, complice de ce qui se trame contre le Bénin et son peuple.

De quoi s’agit-il ?

Le principal prétexte au fondement du nouveau projet de révision de la constitution béninoise serait la création au sein du bloc institutionnel de la république d’un Sénat.
Le projet de cette révision indique que cette nouvelle institution devenue subitement nécessaire et indispensable et pour laquelle il faille procéder urgemment, après dix ans d’exercice du pouvoir d’état par le régime dit de la rupture sera composé des anciens présidents de la république, de l’assemblée nationale, de la cour constitutionnelle et des anciens chefs d’état-major.
Il ne fait l’ombre d’aucun doute que les personnalités ainsi visées et au profit duquel le projet d’achèvement du délitement de la démocratie béninoise sera exécuté n’en sont ni demandeuses ni complices , du moins à ma connaissance.
Elles ont toutes eu des parcours académiques, professionnels, intellectuels, politiques et militaires exemplaires fondés sur de solides valeurs patriotiques et républicaines et elles ont participé parfois au péril de leur vie aux luttes pour l’enracinement des libertés politiques et civiles dans notre pays. Elles ont en commun d’avoir eu toutes leurs vies durant un engagement résolu, ferme et constant contre l’arbitraire et la tyrannie lequel engagement constitue l’héritage intellectuel, moral et politique susceptible de faire l’objet d’une transmission intergénérationnelle. Cet héritage ne peut et ne doit être ainsi sabordé, liquidé et consumé avec leurs propres consentements et complicités exactement par la corruption autocratique contre laquelle elles se sont dressées comme une armure et un rempart.
Ce n’est pas au soir de sa vie, en sexagénaires, en octogénaires et en nonagénaires qu’on s’invente une vie de dictateur, de suppôts de dictature ou de « collabo ». En ces circonstances, le silence vaut consentement, acceptation, complicité, caution, soumission, compromission, servitude volontaire et association attentatoire à la souveraineté nationale et contre l’intérêt publique. Et ce silence actuellement lourd et pesant sera coupable. C’est pourquoi, le Peuple veut vous en entendre…. Dites un mot…. Votre parole manque…. Votre parole tarde….
Nulle force ne peut et ne doit vous forcer à détruire par vous-mêmes et de votre vivant, l’ouvrage de vos mains que jadis tout le Bénin entier admirait si tant. Quelle tragédie ! Quelle absurdité ! Quelle inversion ! Quel anathème ! Que nous arrive-t-il ?
Cette corruption n’est pas accidentelle mais une technique politique méthodiquement manipulatrice et fondamentalement nuisible. Il n’échappe pas au peuple que le véritable souhait du régime est de créer une nouvelle République avec des conséquences politiques sismiques en usant du détour par la création du sénat, en instrumentalisant et en exploitant la vulnérabilité de nos séniors à qui il lance ce maroquin comme un expédient, un appât, une ruse et une rage contre l’âme de ce peuple.
Chers ainés ne devenez pas le miroir de la servitude volontaire, vous incarnez encore l’âme de ce peuple. Ne cédez pas à la corruption par le prestige et la vanité distillée par le Pisistrate. Contre Zeus, demeurez Prométhée symbole de savoir et de liberté. Je voudrais compter sur vous pour éviter ce piège préjudiciable à notre démocratie, fruit de vos luttes et de vos efforts.
Le peuple veut vous entendre ! »
Célestine ZANOU